Nous avons rencontré Mathilda, co-fondatrice des soirées parisiennes Possession. Nous lui avons posé quelques questions, retraçant son parcours de ses premiers pas chez Trax à aujourd’hui, résumant les débuts de Possession et reprenant son avis sur la scène parisienne et la fermeture de Concrete.
Possession, ce sont des soirées incontournables de la capitale française. Warehouse, techno et liberté en sont les synonymes. Comment Possession s’est imposé au fil du temps au point de devenir un concept aussi important ?
Possession existe depuis 4 ans et demi, ça fera 5 ans en septembre 2020. On est un concept de soirées queer et libertaires, c’est à dire qu’on accepte tout le monde, tout en gardant une tendance queer, car notre team l’est aussi. On est deux à organiser, trois avec notre dj résidente « Parfait. », on est que des femmes lesbiennes et nos soirées partent d’un constat : on adorait les soirées gays mais on se disait qu’il manquait des soirées gays avec de vrai line up, avec des artistes connus à l’international.
Notre première soirée a eu lieu le 18 septembre 2015, c’était avec Psyk, Ansome (live), Roman Poncet. On avait peur que ça ne marche pas… finalement, cette soirée a ramené 2000 personnes.
Dans nos soirées, tout le monde est le bienvenu et est libre d’être ce qu’il a envie d’être. Notre sécurité aussi est adaptée, elle gère ce qu’il faut, tout en restant open, ce qui fait de nos soirées une zone safe où personne ne t’ennuie. On laisse les gens se mettre nu ou en topless. Les filles peuvent être topless sans se faire emmerder, sans avoir des gars qui les saoulent.
Tout est né de ce constat et de cette envie d’avoir des soirées avec un état d’esprit ouvert.
On connait déjà Possession mais nous serions curieux d’en savoir un peu plus sur toi. Tu as un parcours relativement impressionnant dans les nuits parisiennes, peux-tu nous en dire plus ? Quel a été ton « avant » Possession ?
Je suis une personne qui aime vraiment la musique électronique, c’est quelque chose qui est ancré en moi depuis le début. C’est peut-être cliché, mais mon père écoutait beaucoup de musique « euro-dance », avec des trucs du genre, Gala, Technotronic, etc…
C’est un truc que j’ai adoré depuis toute petite. Je regardais beaucoup «MTV The Grind », une émission qui filmait des danseurs et dj’s, un peu comme une Boiler Room maintenant. Il y avait des dj’s comme David Morales, Eric Morrillo, etc… C’est un truc qui m’a toujours fasciné.
Puis j’ai fait des études de médiation culturelle. Au début, j’ai voulu faire des études de ciné, mais ça, j’ai arrêté. Je devais choisir entre la musique et le cinéma, j’ai choisi la musique. Je me suis ensuite spécialisée en communication de la musique, ce qui m’a permis de faire beaucoup de stages dans différentes boîtes, j’ai aussi fait un stage en programmation, où j’ai programmé un festival entier. C’est là que je me suis dit, « c’est ça que je veux faire».
Du coup, j’ai eu la chance d’être découverte assez tôt, j’ai bossé chez Villa Schweppes lors de mon dernier stage vers 19/20 ans, et quand j’ai fini mes études, j’ai directement été débauchée par un média de musique électronique français qui s’appelle Trax Magazine. J’ai bossé chez eux pendant 2 ans et demi, ensuite j’ai organisé des soirées et bossé pour des clubs.
Anne-claire organisait parallèlement des soirées qui s’appelaient Flash Cocotte, nous nous sommes rencontrées là-bas. C’est comme ça qu’elle m’a proposé d’organiser une soirée avec elle, j’ai directement été partante.
Possession, c’est un nom assez fort, évocateur de différentes choses, pourquoi ce nom, comment l’avez-vous choisi ?
En fait, j’étais dans l’appartement d’Anne-Claire et Parfait.. On ne savait pas quoi prendre comme nom. On a alors regardé dans les livres et les vinyles d’Anne-Claire, et c’est là qu’on a trouvé le film Possession avec Isabelle Adjani. Possession, c’est un peu un thème dark, avec le rapport au diable, etc.. Et à l’époque, à Paris, la techno, c’était vu comme un truc sombre. On s’est dit que ça collerait bien, puis on a fait une communication qui allait avec. On a pris plein de photos de gens, et on leur a effacé leur yeux afin de les remplacer avec du blanc, comme si ils étaient possédés, on a fait une grosse campagne avec une cinquantaine de photo. Tout est parti de là.
Nous nous sommes rencontrés dans le cadre du Voltage Festival, où Possession était Stage Host d’une des scènes du festival. C’était la première fois que Possession quittait Paris et prenait en même temps le rôle de stage host. D’où est né la collaboration avec le Voltage Festival ?
C’est en effet la première fois que Possession était en festival, c’était aussi la première Possession hors de la France. J’avais suivi l’édition précédente du festival, mais de loin, j’avais vu la vidéo reprenant les différentes scènes. C’est assez marrant parce que ce sont des artistes que nous avions bookés, qui avaient également joué au festival, qui nous ont dit que Voltage essayait d’entrer en contact avec nous. C’était parfait pour la première, en plus, on a beaucoup de gens de Belgique et d’Amsterdam qui viennent nous voir à Paris, j’avais juste envie de leur rendre tout ce qu’ils nous apportent, en venant les voir à notre tour.
Avez-vous déjà d’autres projets à l’étranger avec Possession ?
Oui, on a prévu de développer Possession un petit peu partout en Europe, avec des dates prochainement à Milan, Zurich, Istanbul et Bordeaux. On va bosser avec des collectifs et des artistes qu’on apprécie. On a quelques projets cool déjà, dont aussi une nouvelle Boiler Room qui arrive en août. Le but est de faire découvrir la scène techno « hangar » et « warehouse » de Paris, car Boiler Room a déjà fait pas mal d’events en France mais peu vraiment orientés sur cet univers.
Avec Possession, tu es une actrice importante de la scène techno Parisienne. Quel est ton ressenti face la scène actuelle ?
Je dirais qu’on n’a rien à envier par rapport aux autres villes comme Berlin ou Londres, qui étaient à l’époque citées comme références. Paris est devenu également une ville référence de la scène techno européenne. Beaucoup de dj’s viennent s’installer à Paris et on a un public qui vient de partout en Europe.
D’ailleurs, il y aussi pas mal d’artistes français qui émergent vers la scène internationale en ce moment, quels seraient pour toi les artistes français à garder à l’oeil ?
Déjà Shaun, Shlomo, on a été les premiers à le faire jouer en warehouse, il est incroyable, tant dans ses prods que ses mixes. Il y a aussi Anetha, I Hâte Models, Hadone, Trym et Nico Moreno. Ce sont des artistes plus ou moins jeunes, comme Trym, qui a 20 ans, mais ils font rayonner cette musique en Europe et dans le monde entier.
On a beaucoup parlé récemment de la fermeture de la barge de Concrete, vous avez travaillé avec eux aussi, vous étiez l’un des rares collectifs à y être invité ?
On a fait deux ou trois Possession le mercredi et deux soirées le samedi soir. Pour Paris, Concrete, a été un modèle, c’est un club qui a eu l’autorisation des 48h, ça a fait rayonner Paris à l’international. Pour moi, la scène techno parisienne ne serait pas ce qu’elle est maintenant, s’il n’y avait pas eu Concrete.
Cette fermeture sonne comme un renouveau ou comme une réelle perte selon toi ?
C’est une perte pour la scène parisienne, après, je sais qu’ils vont se renouveler, ils vont probablement réouvrir un club. C’est une manière de se renouveler pour eux, ils vont pouvoir faire de nouvelles choses, renouveler leur public. Il ne faut pas pleurer d’un problème, il faut juste en tirer les leçons et faire en sorte que ça deviennent encore mieux après.
Quels sont vos projets pour les mois à venir et, plus personnellement, as-tu d’autres projets à côté de Possession ?
A côté de cela je suis responsable de communication pour des clubs. J’ai la chance de bosser pour des clubs assez cool. Et puis, avec Possession, on a lancé une nouvelle soirée qui s’appelle « Transgenik », qui a pour but de réunir les acteurs contemporains de la scène Trance, Fast Techno et + si affinités. Une nouvelle scène qui arrive un peu partout en Europe mais pas encore assez en France. Notre première édition était le 14 septembre.
Pour le reste, il y a eu notre Boiler Room en novembre, une prochaine en août et, sinon, on va juste continuer à faire ce qu’on a toujours fait. Toujours faire des line-up de qualité avec des artistes qu’on aime, pas forcément toujours très connus, les faire connaitre auprès du public. Maintenant, on est arrivé à un moment où l’on peut se permettre de faire jouer des artistes moins connus et de faire découvrir des choses. On va continuer à faire perdurer l’esprit de nos soirées, qui est aussi ultra familial, il y a même des gens de notre public qui ont fini par bosser avec nous…
Après, personnellement, pour moi, mon rêve, c’est d’ouvrir un club. Car à Paris, ça manque cruellement d’endroit queer, où l’on peut se retrouver. Possession prend beaucoup de mon temps, mais un jour je concrétiserai peut-être cette idée.
Photo by Mariana Vásquez Matamoros
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